C’est LA star de l’équipe de France 2015, avec les quatre garçons médaillés d’or. Clémence Halbout a déjoué les pronostics pour notre plus grand bonheur à Kaohsiung la semaine dernière : elle est allée décrocher la médaille d’argent de la course à point sur route vendredi 20 novembre, sous un déluge de pluie. Dans cette interview, elle nous raconte tout cela, ainsi que le parcours qui l’a mené jusque-là.
Bonjour Clémence. Et tout d’abord, félicitations pour ta médaille d’argent et ton titre de vice-championne du monde !
Merci beaucoup ! Concernant la course, le stress a débuté en amont, puisque le temps était mitigé entre pluie et sec juste avant le départ… Très tôt, il s’est mis à pleuvoir. Je me suis vite aperçu que les filles semblaient moins à l’aise que moi, et j’ai donc décidé de tenter ma chance. Deux filles étaient déjà échappées : j’ai donc tenté de remonter sur elles. Une fois les filles recollées, je n’avais qu’une chose en tête : gérer mon effort et prendre des points.
Peu à peu, nous avons réussis à lâcher la Chinoise. Je savais que je pouvais alors accrocher la 2ème place. J’ai ensuite tout donné, ne connaissant pas le différentiel de points avec la Coréenne Yu Garam. J’ai réussi à l’attaquer à 3 tours de l’arrivée pour finir seule. Malheureusement, elle avait déjà pris trop d’avance dès le départ, difficilement rattrapable. Concernant la valeur de cette médaille, on pourrait dire incommensurable ! Une récompense de plusieurs années de travail, d’efforts et de persévérance.
Evidemment, tout le monde est très fier de cette médaille. Quelles sont les sensations qui te sont venues en premier quand tu as franchi la ligne ?
La première sensation a été un grand soulagement lorsque j’ai passé la ligne et un sentiment de devoir accompli, mais j’avais du mal à réaliser. J’ai eu beaucoup de sensations pendant la course : dès l’instant où j’ai rejoins l’échappée, mon esprit était ailleurs, je n’ai pas souvent ressenti ça ! J’étais calme, apaisée mais déterminée ! J’étais sur une autre planète ! Finalement, franchir l’arrivée est survenu presque « trop tôt », j’avais envie de continuer à vivre ce beau moment, aussi pluvieux soit-il !
« J’ai travaillé mes points faibles »
On imagine le travail accompli pour arriver à un tel niveau…
Cela fait 5 ans que je suis au Pôle de Bordeaux et que je m’entraine chaque année de plus en plus. L’assiduité et la rigueur à l’entrainement sont indispensables, malgré la difficile gestion du double projet professionnel en parallèle. Cette année, j’ai choisi de rester concentrée sur mon objectif en changeant un peu ma préparation. J’ai beaucoup travaillé sur mes points faibles, sur la technique, sur le mental, sur ce dont j’avais réellement besoin en plus des éléments purement physiologiques. Je me suis finalement plus écoutée que les autres années sur les entrainements et je me suis plus entourée de mes proches.
Tout au long de la semaine, on t’a vue dans le Top 10, pas très loin. Du coup, tes supporteurs y croyaient de plus en plus. Comment as-tu vécu le championnat de ton côté ?
Tout d’abord, j’avais hâte de débuter le championnat : un mois avant de partir je ne pensais qu’à ça ! Quand les courses ont débuté, j’étais déjà motivée, déterminée, avec des objectifs bien définis. J’étais très contente de mes premières courses sur piste : je sentais que j’avais passé un cap par rapport à l’an dernier.
De plus, Guillaume [De Mallevoue] a été un moteur pour moi : même à des milliers de kilomètres, il a toujours été présent et à su trouver les mots pour me motiver. Comme tout au long de la saison, il a été ma principale force ! Ma famille a aussi été très présente comme toujours, un soutien indispensable ! Mais je crois que ce qui m’a beaucoup marqué, ce sont les encouragements et les félicitations de mes camarades de l’équipe. Comme je leur ai dis, sans eux, je ne me serais peut-être pas transcendée autant. Ils ont vraiment été très présents et je les en remercie !
« Je serais fière que les filles soient inspirées par ma médaille »
Des médailles en individuel, ce n’est pas fréquent chez les femmes : il faut sans doute remonter à Nathalie Barbotin-Audoire et Estelle Flourens en 2005 à Suzhou. Tu as conscience d’être devenue un « nouveau modèle » ?
Cela fait longtemps qu’il n’y en avait pas eu c’est sûr ! Bien évidemment, je suis plus qu’heureuse de représenter les femmes, moi qui suis un peu féministe dans l’âme ! Je ne pense pas qu’on puisse parler de modèle, mais je serais fière que les filles soient inspirées et que ça leur donne de l’envie pour s’entraîner. Il est clair que le chemin pour en arriver là est dur et parfois semé d’embûches, mais il faut s’accrocher et ne jamais lâcher, car c’est d’autant plus valorisant quand on fini par y arriver. J’ai eu beaucoup de périodes difficiles, j’ai souvent eu envie d’arrêter en me disant que le jeu n’en valait pas la chandelle ; mais je peux dire aujourd’hui, en ayant la médaille autour du coup, qu’on comprend pourquoi on fait tout ça. Le moment est inoubliable !
NDLR : en 2005 à Suzhou, Nathalie Barbotin-Audoire, Estelle Flourens et Aurélie Duchemin avaient également gagné une médaille au relais.
Un petit mot pour l’une de tes meilleures supportrices qui, on l’imagine, aurait bien aimé en faire autant : il s’agit de ta sœur Justine…
Je crois effectivement qu’elle était encore plus heureuse que moi… En tout cas, elle en a laissé des larmes ! C’est ma sœur, elle me connait par cœur, et elle sait surtout ce que j’ai vécu cette année, les difficultés que nous avons pu rencontrer. Elle m’a beaucoup soutenu et m’a toujours dit de le faire pour moi, pour me prouver que je peux réussir. Donc cette médaille, on l’a gagné à plusieurs !
En maintenant, un peu de repos ?
Je vais sans doute faire une petite semaine de repos histoire de récupérer un peu. Mais je ne pense pas faire une grande pause : je pense déjà à la saison prochaine ! Mon contrat de chargée de mission développement durable au CREPS s’est terminé avant le championnat du monde. J’attendais de voir mon niveau au championnat pour envisager la suite. Je crois que je souhaite mettre toutes les chances de mon côté pour la saison à venir afin de tenter de percer à nouveau sur la scène mondiale !
Je voulais aussi rajouter un grand merci au Directeur du CREPS de Bordeaux-Aquitaine, qui m’a permis de suivre mon double projet depuis 2013 en ayant des horaires de travail adaptés pour m’entrainer tout en acquérant une réelle expérience professionnelle. Mr Rouillaux a toujours été présent et je suis vraiment reconnaissante envers lui. D’autre part, je souhaite aussi remercier mon sponsor BONT, qui m’a permis de faire une année avec le meilleur matériel possible ! Et merci à tous pour le soutien et les messages reçus après cette médaille ! Merci Clémence pour tes réponses et rendez-vous en 2016 donc !
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