Espace dirigeant Espace licencié Boutique Presse Partenaires
Logo de la fédération française de roller et skateboard

 

Chapitre IV – La retraite sportive

 

 

Et puis un jour, tout s’arrête…

De mon côté, je l’ai anticipé depuis quelques années, et j’avais pris la décision qu’à la fin de la saison 2019, quel que soient mes résultats, c’était la fin. J’avais mis en place (sur cette année 2019) tout ce que je pensais nécessaire pour ne rien regretter. Mais malgré ça, l’arrêt est très difficile car il est brutal, tout s’arrête du jour au lendemain, et finalement on n’y est jamais totalement préparé. En 2017, j’avais pourtant faillit arrêter. Cette année-là a été la plus intense pour moi, avec ma formation de cadre d’Etat en parallèle d’un entrainement extrêmement soutenu. C’est l’année où j’étais certainement la plus forte, la mieux préparée. Mais malheureusement, j’ai eu un accident au CREPS, qui m’a énormément fragilisée. Et un mois après seulement, j’ai subi une très lourde chute aux World Games, qui a fini de m’achever. C’était très dur à accepter pour moi, j’ai eu du mal à m’en remettre. J’ai donc voulu arrêter après cette saison. Puis finalement, après plusieurs mois de réflexion, je n’ai pas eu envie de m’arrêter sur un échec… Je me suis donc laissé encore du temps, mais en abordant les choses différemment, de façon plus relâchée, et sans me contraindre autant que la saison d’avant. La saison 2018 s’est bien passée, j’ai repris du plaisir, et ça m’a fait du bien… Je me suis donc donné une année de plus afin d’essayer d’arriver à mon objectif final en mettant tout en œuvre pour atteindre mes objectifs et ça a plutôt bien marché. Je suis passée à rien d’un podium mondial sur chaque course où j’ai été alignée, notamment à la point route où il me manque 2 points. J’ai été très forte et la plus régulière de tous les championnats que j’ai pu faire. Mais voilà, j’avais décidé d’arrêter à la suite du championnat, car ma longue carrière devait s’arrêter là. Au fur et à mesure des années, je commençais à être fatiguée que ce soit physiquement mais aussi moralement. Je n’avais plus la même envie, ni plus la même motivation, je ne me sentais plus autant à ma place au sein du Pôle ni au sein du collectif France. J’étais vraiment très dure envers moi-même. Bref, je sentais qu’il fallait que ça s’arrête. Et puis j’avais aussi envie de passer à autre chose, d’autres projets qui me trottaient dans la tête depuis quelques années.

 

Qu’est-ce qui va te manquer d’après toi ?

Cela va faire bientôt 1 an que je n’ai pas rechaussé mes rollers, et ça me manque : les sensations, la vitesse, la glisse, l’adrénaline, la compétition, le partage… Tout cela à la fois… Mais dans le même temps, je n’ai pas envie de remettre mes pieds dans mes rollers pour le moment, c’est bizarre. J’ai commencé à l’âge de 3 ans… J’ai arrêté ma carrière à 29 ans. Le roller, c’est toute ma vie, et l’arrêter du jour au lendemain est extrêmement difficile. Je pense que ce qui va me manquer, c’est le dépassement de soi et la quête de la perfection, la rechercher de la performance, et la confrontation. Et puis les compétitions, les moments avec les ami(e)s, toutes ces belles rencontres que l’on fait grâce au sport…

 

D’un autre côté, tu dois avoir d’autres projets…

J’ai effectivement d’autres projets… Mais disons que l’arrêt de carrière a été très brusque avec l’accident de Guillaume [NDLR lors du marathon des Roller World Games de Barcelone en 2019]. Du coup, j’ai eu une longue période difficile. Ensuite, j’ai repris le travail. Le confinement m’a permis de me poser, de récupérer, de profiter de choses auxquelles je n’avais pas le temps, et de mon mari ! Et en parlant de projet, il y en a un beau qui se met en place… Je suis enceinte de 5 mois et demi [NDLR l’interview a été réalisée le 25 mai].

 

On imagine qu’après une carrière sportive si longue et si richement remplie, tu vas quand même rester active dans le domaine du sport !

A vrai dire oui, le sport fait partie de notre vie. Même si pour moi, c’est avant tout le roller, et le sport pour la performance… Mais je vais sans doute découvrir des sports sous d’autres angles. Et puis je suis cadre au Ministère des Sports, donc j’aborde les questions sportives au quotidien. Et j’aimerais un jour peut-être pouvoir intégrer la Fédération de roller pour justement apporter mes compétences, mon expérience et ma passion au service de mon sport. Sur le plan sportif, on adore faire des cols en vélo ou des randonnées en montagne, donc j’espère pouvoir continuer cela… Mais avec la grossesse, je garde ça pour plus tard : l’heure est au repos… et ça fait du bien !

 

C’est la dernière question. Que peut-on te souhaiter pour la suite ? Est-ce que tu as un message à transmettre, ou des remerciements à faire ?

Le meilleur pour la suite ? Que la grossesse et le futur se déroulent au mieux pour nous. Nous sommes déjà très heureux, et je pense qu’avec ce bébé en route, on finira d’être comblés !

Je voudrais remercier mon mari, pour tout ce qu’il m’a apporté, car si j’ai eu cette belle carrière c’est énormément grâce à lui. Merci à mes parents, ma famille, sans qui je n’aurais pas non plus pu atteindre ce niveau… Merci au Pôle, à mes camarades d’entrainement et ami(e)s, à mon sponsor qui m’a permis d’avoir tout le matériel souhaité ces dernières années et qui m’a permis de ne pas me soucier de cet aspect-là de la performance. Et merci à toutes les personnes qui me soutiennent et qui envoient des jolis messages, car ça me touche énormément !

Je pense que ce que je peux dire, c’est que ma carrière a été très complexe, n’a pas été un long fleuve tranquille bien au contraire. Construire une carrière de haut niveau, c’est se construire un monde de performance, de travail, de rigueur, pour essayer d’atteindre une reconnaissance personnelle. Et lorsqu’on l’a atteinte, vouloir plus. C’est un excellent moyen pour se construire soi-même, se découvrir et évoluer. J’ai eu l’impression de vivre 1000 vies à travers cette carrière, et je crois que ça c’est une expérience inouïe, qui valait la peine d’être vécue ! Mais si j’avais un conseil à donner, chaque expérience est unique, on peut vivre sa carrière de 1000 façons, et je pense qu’on pourrait la recommencer de plusieurs façons et que l’on trouverait toujours quelque chose à modifier. Il faut simplement revenir aux bases de temps en temps, à des choses simples et aux petits plaisirs de la vie.

 

 

Témoignages : 

 

Dominique Vasselin (France), membre du bureau de la FFRS

« Dans l’Equipe de France, vous cherchez Clémence Halbout ? C’est la jeune femme sortie tout droit d’un magazine de mode. Même en tenue de sport, du bout des pieds à la racine des cheveux, rien ne dépasse, tout est coordonné, ajusté, les mains sont manucurées, les ongles faits et le maquillage doit résister aux intempéries (chaleur, pluie, froid). Une fois qu’elle est bien dans sa peau, Clémence ne laisse rien au hasard pour atteindre sa performance : c’est une battante ! Peut-être un peu chronophage pour ses entraîneurs, mais le haut niveau ça se mérite des deux côtés. Puis il y a Guillaume auprès duquel elle a trouvé soutien et confiance en elle, ce qui lui a permis de rentrer Argentée de Chine en 2015. Sa force de caractère, sa ténacité, sa détermination et son courage lui ont permis de mener, en parallèle de sa carrière sportive, plusieurs cursus d’études et de décrocher son professorat de sport. Et du courage, il leur en faut à elle et Guillaume pour faire face aux épreuves quotidiennes et construire leur vie. Une page se tourne, mais comme on sait, la mode est un éternel recommencement, alors dans combien de temps une autre Clémence ? »

 

Manon Kamminga (Pays-Bas), championne d’Europe et vainqueure du marathon de Berlin, partenaire de Clémence dans l’équipe Bont pendant quelques saisons

« Je dirais que Clémence est la patineuse la plus humble que je connaisse. Comme partenaire et comme compétitrice. Je me demande parfois si elle n’aurait pas pu gagner plus de courses et de titres si elle avait été moins humble. Mais parce qu’elle l’était, selon moi, elle était aussi très respectée et ensemble, grâce à son énorme travail et à sa volonté de tout mettre de son côté pour réussir, elle s’est écrit un beau palmarès et elle peut regarder en arrière en étant très fière ! Je lui souhaite, ainsi qu’à Guillaume, le meilleur pour leur nouvelle aventure ! »

 

Aura Quintana (Colombie), vainqueure des World Cups de Rennes sur Roulettes et de Harbin, adversaire de Clémence sur les marathons

« Clémence est quelqu’un d’unique. J’ai bataillé avec elle durant toutes ces années : elle n’abandonnait jamais. Pour moi, c’était un plaisir de patiner « à ses côtés » : elle était toujours clean, c’était la meilleure adversaire. Elle va me manquer… mais je lui souhaite le meilleur pour elle, et le nouveau membre de sa famille. Clémence, je te souhaite une vie de maman accomplie et j’espère te revoir bientôt. « A big hug » de la part de Patxi et de ma part. Je te souhaite le meilleur dans ta nouvelle vie. Tu vas me manquer, c’est certain. »

 

Iosu Saldise Lamaison (Espagne), organisateur de la P2P (aujourd’hui la Zubiri Pamplona Puente) de 2009 à 1018 – la P2P est considérée comme l’une des courses les plus dures au monde

« J’ai rencontré beaucoup de patineurs durant mes années en tant que patineur moi-même, et plus tard en tant qu’organisateur de la P2P, et Clémence a été l’une des patineuses qui m’a surpris. Ce n’est pas à moi de parler de ses qualités d’athlète, c’est certain : les titres internationaux qu’elle a gagnés parlent pour elle. Elle est venue à la P2P en 2014 pour la gagner. Et à chaque fois qu’elle est revenue, elle était sur le podium. Je peux dire que c’est une belle personne. Je me rappelle d’une anecdote : lors d’une de ses participations, elle est venue calmement vers moi pour me dire qu’elle n’était pas d’accord avec ce qui s’était passé durant la course. Elle a exposé son point de vue alors que j’exposais le mien et nous étions en contradiction. Elle m’a proposé des idées pour améliorer la P2P : elle voulait aider au développement de notre événement lors des éditions futures. C’était une démarche très élégante, tout comme son comportement. Clémence, je te souhaite le meilleur pour cette nouvelle étape de ta vie. Tu vas certainement vers de nouveaux succès. Tu sais que toi, ainsi que Guillaume, vous êtes toujours les bienvenus sur les terres de la P2P. »

 

Francesca Lollobrigida (Italie), multiple championne du monde et d’Europe, olympienne et adversaire de Clémence sur les championnats et en marathon

« Ce fut un plaisir de patiner contre Clémence durant toutes ces années. Elle est le parfait exemple de passion et de dévouement à notre sport, toujours en première ligne pour représenter l’équipe de France, même quand elle m’a « volé » quelques médailles ! Elle va me manquer. »