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Champion du monde ! Gwendal Le Pivert est revenu de Kaohsiung avec le titre suprême, acquis en finale du relais route avec Darren De Souza et Ewen Fernandez. Il le visait depuis longtemps. Et nous nous rappelons notamment de son championnat du monde 2014 avorté à cause d’une collision subie et d’un bras dans le plâtre… Un bien mauvais souvenir désormais effacé. Et de quelle manière ! Après avoir pas mal galéré ces derniers mois, comme il l’explique dans cette interview, le sprinter est revenu au premier plan. Jusqu’à décrocher l’or donc, mais aussi l’argent en finale du tour sur route. Deux médailles mondiales pour une saison 2015 qui se termine « sur un nuage » et augure du meilleur pour la saison 2016 à venir…

 

 

Bonjour Gwendal. Et tout d’abord félicitations pour le titre de champion du monde du relais route après lequel beaucoup d’autres patineurs courent !

 

On ne pourrait pas mieux dire… C’est une énorme satisfaction ! Cette satisfaction est encore plus belle et encore plus grande quand on se retourne et qu’on regarde le chemin parcouru. Le monde du très haut niveau est un monde intransigeant. Un monde semé d’embûches, de désillusions, de remises en question, parfois de blessures. Mais quand tu passes la ligne et que tu lèves les bras, je peux jurer que ça vaut toutes les galères du monde… C’est sûrement ça le très haut niveau !

 

 

Au-delà de l’émotion que tu as transmise, tout le monde a été impressionné par cette dernière ligne droite rageuse. Comment l’as-tu construite de ton côté ?

 

Après la course, on peut dire ce qu’on veut, mais je ne crois pas que beaucoup de monde aurait misé sur notre victoire. Pourtant moi, j’avais la conviction qu’on pouvait faire une grande course. J’ai joué sur mon avantage psychologique du tour arrêté. Je me savais plus fort que Jimenez, le dernier relayeur colombien et finaliste du tour arrêté. Je voulais entamer ce relais de manière sereine, et c’est ce qu’on a fait. Je me revois dire à Darren pendant l’échauffement : « Tu t’imagines être ailleurs qu’ici ? Pour ma part, il n’y a nulle part ailleurs où je voudrais être ». Je me revois aussi déconner 2 minutes avant le départ avec Alain [Nègre], Arnaud [Gicquel], Darren et Ewen histoire de détendre tout le monde. Je voulais transmettre à nos adversaires que rien, ce soir-là, ne pouvait nous atteindre et qu’eux pouvaient stresser, mais pas nous !

 

Je crois sincèrement que sur ce relais, nous étions intouchables. Enfin, je me suis senti intouchable. Jimenez a calé sa course sur moi et j’étais donc le mec à abattre. J’adore ça ! Dans un premier temps, nous ne voulions pas lancer le sprint de devant mais quand Ewen m’a lancé, j’ai cru me sentir pousser des ailes… J’avais les cannes, les watts et il est préférable d’être acteur que spectateur : dans ces conditions, j’ai pris les devants. Quand j’ai percuté la balustrade à la sortie du virage, absolument rien ne m’est passé par la tête. J’étais vraiment focalisé sur ma course et les derniers 300m jusque la ligne d’arrivée.

 

A l’entame du dernier virage, j’ai pensé au Colombien qui était dans les dispositions que nous avions choisies au préalable, c’est-à-dire en deuxième position, prêt à construire de la vitesse, à profiter de l’aspiration et à imaginer un dépassement dans la dernière ligne droite. La suite nous dira que ce soir-là, nous étions effectivement intouchables car il s’est trouvé qu’il n’a pas été capable de me déborder.

 

 

« Pas trois individualités, mais une vraie équipe »

 

 

Qu’est-ce que cela procure, un titre par équipe ?

 

Je n’ai pas encore le bonheur de pouvoir comparer. Ça ne saurait tarder… Quoi qu’il en soit, un titre en équipe a vraiment une saveur particulière. Nous étions tous les trois dans la même euphorie qu’amène un titre mondial. L’expression « être sur un petit nuage » prend à ce moment-là vraiment tout son sens. Nous étions deux « puceaux » de la première marche mondiale et je crois pouvoir dire qu’Ewen était tout aussi euphorique de ramener ce titre à la maison que Darren et moi. Lors de cette finale, nous n’étions pas trois individualités mais une vraie équipe et c’est, je crois, ce qui a été notre force.

 

 

Tu avais déjà touché l’argent le jour d’avant (NDLR vendredi 20 novembre) dans l’épreuve du tour sur route…

 

Avec Alain, nous savions exactement comment cette finale allait se passer. L’unique carte que nous avions entre les mains, c’était que je parte devant. Cependant, en partant entre deux excellents démarreurs, ça allait être une mission très compliquée. J’ai tenté de partir dans le « gun » : ça n’a pas fonctionné. Je n’ai eu d’autre choix que de subir la course.

 

Dans le virage à l’envers, Jimenez s’est décalé sur moi, ainsi qu’à l’entame du dernier virage. Il ne me restait plus qu’à l’affronter dans un dernier sprint ligne droite. Certes, je le bats sur la ligne, mais c’est extrêmement difficile, injuste… Je n’allais pas là-bas pour faire le figurant en 500m et c’est ce que j’ai eu l’impression d’être… Bref il n’y a rien à comprendre de ce genre de course. Je repars de ces championnats 2015 avec un goût amer de mes 500m.

 

 

« L’une de mes forces, c’est ma lecture de la course »

 

 

L’une des spécificités du sprinter, c’est qu’aucune erreur ne lui est permise. Comment fais-tu pour ne jamais douter et réussir à donner le maximum au moment où il le faut ?

 

Je crois qu’en majeur partie, c’est en moi. Le stress va complètement bloquer certains, mais chez moi justement, c’est un vecteur de concentration. J’adore jouer avec ce stress. Au départ d’un 500m, si tu as le moindre doute, tu as déjà perdu ! C’est ce qui fait du 500m la plus belle des courses !

 

L’une de mes forces, c’est ma lecture de cette course. Je passe énormément de temps à analyser la piste, les adversaires, les trajectoires… Et bien sûr, ce qui a été fait avant. J’ai en tête un 500m que je conseille à tous les jeunes de regarder : la finale 500m piste de Haining 2009. La décontraction du Taiwannais Willy est exceptionnelle. Il est pour moi une source d’inspiration…

 

Un 500m ne s’improvise pas. Il est important de se méfier de tout le monde et surtout de connaître ses adversaires. Chaque individu et chaque patineur est différent. Avant la course, je sais déjà (dans les grandes lignes) comment chaque individu va courir. Être imprévisible, c’est la clé !

 

 

Il paraît que « c’est l’athlète qui se forge tout seul » : peux-tu en témoigner ?

 

C’est ce que me répète sans cesse mon coach (Alain Nègre). A mes débuts, je pensais que l’athlète sans son coach ne valait rien, mais plus ça va, plus je me dis qu’il n’a peut-être pas tout à fait tort.

 

Cette année, j’ai décidé de mener trois projets de front : Le roller, mes études en finances et mon alternance chez Allianz. J’ai également fait le choix de m’entraîner seul et de ne rejoindre le Pôle de Talence que rarement. Faire le choix de s’entraîner seul dans une ville où les structures roller sont inexistantes a été un pari audacieux. Personne ne s’imagine à quel point c’est dur de s’entrainer dans ces conditions et de plus seul. Certes le plan d’entraînement d’Alain est sans conteste un des vecteurs de ma réussite, mais ce n’est pas lui qui va y aller à ma place… Je veux dire par là, si je n’y vais pas, en soit ce n’est pas la fin du monde ; cependant mes adversaires, eux, ne vont pas m’attendre et prendre une journée « off » pour me faire plaisir. Sortir d’une année comme celle que je viens de passer m’a énormément apporté. J’ai du mal à voir comment une préparation pourrait être plus compliquée.

 

Pour ne rien vous cacher, après la saison 2013/2014, j’ai eu envie de tout envoyer valser… Cette saison-là a été extrêmement difficile à avaler. J’avais focalisé ma préparation sur le mondial de Rosario et me casser le poignet a été une énorme désillusion, une remise en question complète sur moi, sur ma vie, sur ce pourquoi je faisais du roller. Bref, j’avais envie de claquer la porte. Je me suis donc reconstruit tranquillement avec mes potes, mes collègues à Bordeaux. Cette remise en question, je l’ai faite seul : ce n’est pas la fédération, la DTN ou encore mon coach qui va la faire pour moi. Donc il est clair aujourd’hui qu’il y a beaucoup de personnes à remercier, mais si je dois à quelqu’un où j’en suis aujourd’hui, ce n’est qu’à moi et à personne d’autre !

 

 

La saison a été longue pour tout le monde. Qu’envisages-tu maintenant ?

 

Pour ma part, je ne l’ai pas trouvée si longue que ça ! J’ai plusieurs possibilités en cette fin de saison : prendre un peu de vacances pour profiter de mes amis et retrouver le soleil Sud-américain ou alors rejoindre Heerenveen pour m’entraîner sur la glace. Pour ne rien vous cacher, la deuxième possibilité semble être la plus probable…

 

 

Et bien merci Gwendal et bonne glisse sur la glace maintenant !