Quelle aventure singulière pour Marina Fagoago Jalinier, capitaine de l’Équipe de France de Roller In Line Hockey. Marina est une sportive accomplie dans ce sport. Internationale française depuis 2008, 7 mondiaux à son actif dont 2 fois médaillée de bronze, championne d’Europe en titre, elle est aussi multi-titrée dans les championnats français, espagnol et américain, qu’elle a côtoyés dans sa carrière.
Contactée, à l’issue du championnat du Monde 2016, par l’équipe d’Iran alors à la recherche d’une entraîneuse nationale pour préparer les Asian Games en octobre 2016, elle est finalement retenue pour démarrer la nouvelle aventure d’entraineur d’une sélection nationale.
L’équipe d’Iran est assez étonnante à suivre en compétition. Si on connaît l’Iran pour son régime politique théocratique, les préoccupations suscitées autour de la question des droits de l’homme, par la liberté d’expression et les garanties liées à l’administration de la justice, si on se sent interpelé de la place des femmes, de l’obligation du port du voile, découvrir l’équipe d’Iran de Roller In Line Hockey peut amener quiconque à briser quelques préjugés.
Marina rejoint Téhéran en septembre 2016 pour animer une semaine d’entrainements intenses avec cette équipe. Au cours de ce séjour, elle supervise 60 joueuses, pour en sélectionner 32 puis au final 16 qui composeront l’équipe d’Iran pour les Asian Games. Un programme chargé est mis en place, mêlant 4h30 de pratique quotidienne du Roller In Line Hockey et 2 à 3 heures de conférences. Autant de moments pour découvrir des joueuses d’une autre culture et se familiariser à ce nouvel univers. Une histoire de femmes.
Comme l’explique très bien Bita Mohsenizadeh, une des joueuses de l’équipe iranienne, dans le dernier reportage « Focus », diffusé sur France 24, la question du voile revient souvent et ce sujet est souvent le premier abordé dans les échanges entre compétitrices lors des compétitions internationales. Mais pour Bita, comme pour toute ses coéquipières, le sport est avant tout « un moyen de faire valoir nos droits, montrer que nous sommes là et que nous pouvons jouer ». (1 min 54 dans la vidéo).
C’est ce désir d’apprendre, de progresser, de jouer pour montrer qu’elles sont là qui a été le ciment de la relation entre Marina et les joueuses. Ainsi, au cours des 6 semaines suivantes, Marina, revenue en France, accompagne les joueuses à distance et via des séances vidéos qui permettent de décrire et perfectionner les gestes techniques, mais également d’aborder les notions de tactique sportive, parler des systèmes de jeux, sensibiliser chaque joueuse à son rôle spécifique sur le terrain. Ces séances permettent à l’équipe de continuer le travail avec leur entraineur, en vue de leur compétition.
Quelques semaines avant les Asian Games, Marina a pu constater l’étonnant progrès réalisé par ces joueuses, lors du dernier stage de préparation. Et pour quel résultat. L’équipe féminine iranienne reviendra des Asian Games 2016 avec la médaille de Bronze autour du cou, derrière Taipei et la Chine.
Presque un regret pour Marina qui, en compétitrice aguerrie, espérait une autre couleur : « J’aurai préféré la médaille d’argent qui était à notre portée mais la défaite contre la chine 2-1 nous a coûté cher » précise Marina, qui a pu vivre une expérience de coach inédite dans sa jeune carrière : « Je pense avoir apporté une culture du sport, de l’engagement, investissement avec ma vision de sportive de haut niveau. J’ai vu beaucoup de changement dans l’attitude de mes joueuses au fur et à mesure des entraînements et des matchs. Le sport pour les femmes à haut niveau est encore nouveau dans ce pays et donc tout est à apprendre ! J’ai pu leur apporter les bases du roller hockey et les aider à savoir comment travailler pour progresser. » Très peu de filles ont un coach durant leurs entrainement en Iran, c’est une spécificité que note Marina, d’où l’importance de leur proposer les bases et les outils pour devenir autonomes dans leur préparation tout au long de l’année.
Kaveh Sedghi, directeur des équipes nationales, relève quant à lui l’étonnant parcours de cette équipe et de ce qu’elle représente dans leur pays : « Elles repoussent les limites dans leur pays. Elles sont les premières à participer à des compétitions internationales dans leur pays. Elles ont montré que le port du voile ne les refreine pas, ne les empêche pas de réussir sur les scènes internationale et nationale. Elles donnent de l’espoir aux autres filles de leur pays et elles les encouragent à faire du sport pour avoir une vie plus saine, avec une énergie positive et un moral d’acier. »
Marina, quant à elle, est déjà consciente d’avoir vécu une expérience hors du commun. « Je suis vraiment fière d’elles. Le sport et le roller hockey ont de l’avenir en Iran grâce à un staff et des joueuses dévouées ! Humainement c’était dingue, le peuple Iranien est vraiment très accueillant, je me suis senti comme à la maison ! Pour vous dire, quitter Téhéran a été douloureux, c’était tellement enrichissant de découvrir une nouvelle culture, langue, peuple, équipe ! »
Une expérience que Marina souhaite pouvoir renouveler. En parallèle de sa carrière sportive, elle a créé en septembre 2016 une activité de coaching individuel pour sportifs, cadres et managers.
propos recueillis par Arrib Losted