En ce début d’année, Paloma Troianovski annonçait la fin de sa carrière en compétition. 17 ans après ses premiers pas dans le roller artistique, Paloma revient sur sa carrière et ses plus beaux souvenirs.
Pourrais-tu te présenter et nous présenter ton parcours en compétition ?
Je m’appelle Paloma Troianovski, j’ai 25 ans et j’ai commencé le patinage artistique sur roulettes à 8 ans. J’ai fait mes premières compétitions en 2010, d’abord en niveau promotionnel puis, 2 ans plus tard, au niveau National 1. J’ai alors obtenu mon premier podium en Championnat de France, me permettant de me qualifier pour mes premières compétitions internationales.
En 2014, j’ai été qualifiée pour la Coupe d’Europe au Portugal puis les compétitions de la World Skate se sont enchaînées avec les années : Coupes d’Europe, Championnats d’Europe, World Cups, America’s Cup et Championnats du Monde. J’ai fait mon premier Mondial en France en 2018 alors que j’étais Junior. J’en ai en tout fait 5 (le reste en Senior) : en France, en Espagne, en Argentine, en Colombie et le dernier en Italie en 2024.
Quels sont les moments les plus mémorables de ta carrière ?
Il y a deux moments que je n’oublierai jamais :
– Mon premier championnat du Monde en 2018 lorsque je suis entrée sur la piste pour présenter ma Style Dance. J’étais extrêmement stressée, je ne dormais plus depuis des jours, je me sentais fébrile. Le Mondial était en France et je suis passée un jour de week-end, la piste était magnifique et le gymnase était bondé. Lorsque le présentateur a annoncé mon nom, le public m’a encouragée si fort que ça m’a fait l’effet d’un choc électrique. Je n’avais jamais patiné devant autant de monde ni été autant acclamée en compétition. Je suis passée au-dessus de mes peurs et, à la fin de mon programme, je souriais déjà d’avoir réussi à le faire. C’était très fort et beau. Les encouragements du public m’ont donné beaucoup de force.
– Mon dernier Championnat du Monde il y a quelques mois en Italie. J’étais très bien préparée et j’avais beaucoup travaillé la dimension mentale pour mieux gérer les compétitions. J’avais des objectifs de rendements très clairs mais pas d’objectif de résultat : je voulais me concentrer uniquement sur mes performances et mes sensations. Je patinais première de mon groupe pour la Style Dance et durant tout mon programme, j’ai patiné avec le calme et la concentration que j’ai toujours recherchés, sans pensées invasives et avec confiance. C’est la première fois que je suis sortie de piste aussi contente et satisfaite sur un Mondial. La joie et le soulagement que j’ai ressentis en sortant de piste sont inoubliables.
Il y a-t-il une performance dont tu es particulièrement fière ?
Je suis particulièrement fière de mes deux performances au Championnat du Monde 2024. Je crois que c’est la seule compétition de ma vie où je suis sortie sans regret ou frustration. Les seules émotions que je retiens sont la joie, la satisfaction et le soulagement. C’est la compétition durant laquelle je me suis sentie le mieux sur la piste. En plus de cela, j’ai obtenu mon record personnel en termes de points (123.12 pts). C’est aussi le record français sur une compétition World Skate.
Si tu devais nous résumer ta carrière en trois mots, quels seraient-ils ?
Persévérance, résilience, abnégation.
Quels enseignements retires-tu de tes années en compétition ?
Ces années en compétitions m’ont donné l’opportunité de faire un travail très important sur moi-même. En réalité, j’ai toujours assez mal vécu les compétitions : j’étais souvent très anxieuse, avec beaucoup de perte de confiance, de pensées invasives, de tremblements. Je n’arrivais plus à sentir mes jambes et à faire les mouvements de manière fluide. Je n’arrivais jamais à produire en compétition mon niveau d’entraînement et j’étais très frustrée de cela.
Ça a été un chemin très long pour, petit à petit, parvenir à mieux comprendre mon esprit comme mon corps, à me connecter à mes sensations, à savoir comment gérer et à avoir confiance en moi. Ce n’est d’ailleurs qu’à ma dernière compétition que j’ai réussi à atteindre sur une compétition internationale cet état de concentration et de calme dont j’avais besoin sur les deux programmes.
Plus généralement, c’est difficile de résumer tout ce que ces années de compétitions m’ont enseigné. Voici ce que je peux citer : la connaissance de soi, la gestion de ses émotions, écouter son corps, avoir confiance en soi, avoir le courage d’avancer malgré les craintes, donner à un instant T tout ce qu’on a à l’intérieur de soi, se remettre des déceptions et frustrations, persévérer, être exigente, avoir le goût du travail…
Qu’est-ce qui te manquera le plus dans le monde de la compétition en roller artistique ?
Comme mon entraîneur (Luis Perez) vit en Argentine, il entraîne plusieurs patineurs d’Amérique latine avec lesquels je suis devenue très amie. Nous nous retrouvions toujours en Italie pour se préparer ensemble au Championnat du Monde ou en Argentine pour y faire des stages de plusieurs semaines. Ce qui me manquera le plus, c’est de ne plus partager ces moments très forts avec ces personnes qui habitent à l’autre bout du monde et qui comptent tellement pour moi.
Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes patineurs qui débutent ?
Le système français ne valorise pas assez la pratique sportive et comme la discipline n’est pas reconnue de haut niveau par le ministère, la FFRS ne dispose pas de subventions pour accompagner ses athlètes en artistique. Vouloir réaliser des performances internationales signifie donc se battre constamment et faire beaucoup de sacrifices, il ne faut pas le cacher.
Cependant, les bénéfices dépassent de manière indescriptible la simple maîtrise du sport en lui-même. Ce ne sont pas les médailles qu’on retient mais toutes les expériences vécues, les personnes rencontrées et les apprentissages reçus.
Crédit photos : Raniero Corbelletti